Paul Goma. L'art de la désinformation : Holocaust versus Goulag?
Data: Wednesday, August 24 @ 19:40:14 CEST
Topic: Historia oculta


L'art de la désinformation : Holocaust versus Goulag?
Paul Goma en dialogue avec Dan Culcer. Polémique autour d'une manipulation de contexte


Leur a-t-on demandé s'ils étaient anti-goy ?

L'intervention du romancier Paul Goma Paul Goma. Version francaise en format pdf

 

Je n'ai pas lu les textes récentes publiés en Occident par Edgar Reichmann, exception faite d'une des ses «contribution». Comme je connais depuis 30 ans celui qui l'a pondue, je ne crois guère ce qui y est écrit. Il n'y a pas longtemps, toujours dans Le Monde, l'illustre journaliste faisait de Maria Banus (chantre de Stalin, de Dej, de Ceausescu, de l'Armée Rouge, de la collectivisation, etc.) une pauvre victime des persécutions communistes en Roumanie, et virulente opposante par dessus le marché ! A ce propos, n'oublions pas une autre anticommuniste farouche, camarade de l'euro-bolchéviste Lilly Marcou : Nina Cassian, qui se plaint aux Américains de la persécution sauvage qu'elle avait subie sous Ceausescu en tant que juive et communiste. Donc je ne crois pas que ceux que E. Reichmann accuse à présent - en prenant à son compte l'information de quelqu'un d'autre, selon son exécrable habitude - se soient rendus «coupables d'antisémitisme».
Antisémite, Gabriel Liiceanu ? L'éditeur bucarestois avec l'argent français a d'autres grands péchés capitaux, entre autre celui d'avoir traité sa personne sans humilité aucune dans le texte «Sébastien, mon frère» (où il garde d'ailleurs la tonalité de son texte autobiographique et narcissique «Appel aux ordures») ; mais aussi d'avoir pris au sérieux Ed. Reichmann...;
Nicolae Manolescu, antisémite ? Le brillant critique littéraire et analphabète moral ? Soyons sérieux : paralysé par le communisme, lui aussi est trop peureux pour se manifester comme "antisémite", d'ailleurs il n'a pas d'opinions, juste des impressions (littéraires...).
Quant à Dorin Tudoran, poète et essayiste : son accrochage dans la presse avec Tismaneanu et avec Shafir ne fait pas de lui un antisémite...
Ce Ed. Reichmann a publié en 1976, dans Le Monde, une sorte de chronique des «publications roumaines en français» où il expliquait aux lecteurs que mon roman Gherla, édité chez Gallimard, n'était qu'un résumé de mon livre précédent, Ostinato (en français La Cellule des libérables), mais en plus modeste. Ce jugement occupant un paragraphe, le reste de la étant dédié à un illustrissime inconnu écrivain roumain, Mirel Bergmann... Cela ne m'a fait ni chaud ni froid, je savais par Monica Lovinescu, par Virgil Ierunca, par Sanda Stolojan que Ed. Reichmann (à ne pas confondre avec Sebastian Reichmann, son cousin, poète remarquable et homme de qualité) était «le plus-roumain-des-juifs» : il ne lit pas les livres recensés, il téléphone à un tiers pour avoir un résumé, résumé qu'il comprend de travers - après quoi il écrit ce qu'il n'a pas oublié. Cela ne change pas trop de registre : il était l'«agent» (pas seulement littéraire) de Eugen Barbu, "écrivain de parti et de Securitate", avant 1989 - après, avec la bénédiction de Iliescu et avec l'appui de Petre Roman, devenu directeur du România Mare, publication diversioniste, ultranationaliste, farouche antioccidentale, feroce antisemite...
Mais je suspecte Ed. Reichmann d'autres agissements encore : je lui ai même posé des questions là-dessus, et il a démenti avec une telle véhémence, que j'ai compris que j'avais visé juste.
Vraisemblablement nous, les étudiants arrêtés en 1956 (sous l'accusation de solidarité avec la révolution magyare), avions été... favorisés (sic) par rapport à ceux qui avaient été laissés en liberté (surveillée). Ces derniers ont dû subir, pendant deux années entières (1957 et 1958), les pires traitements de la part de ceux qu'on surnommait l'«Equipe de la mort», la meute du Comité central de l'Union des Jeunesses communistes. Cette équipe chassait «les ennemis du peuple» qu'elle livrait au jugement public - pas sur leurs actes, mais pour leurs états (par exemple, «origine sociale malsaine») - finissant par obtenir leur exclusion de la fac. Virgil Trofin, Petre Gheorghe, Cornel Burtica et l'eternel camarade bolchévique Ion Iliescu étaient les «grands manitous» dans ces cérémonies et parmi les étudiants faisant fonction d'auxiliaires de la Securitate il y aurait eu aussi le petit camarade Ed. Reichmann. D'ailleurs, après 1990, on a bien remarqué ses bonnes «vieilles relations» avec Iliescu... (Si bien que le «journaliste» n'a pas écrit mot dans Le Monde sur la politique d'instigation à l'affrontement interethnique initiée et pratiquée par Ion Iliescu et Petre Roman - voir les événements de Targu-Mures en mars 1990, ni la culpabilité d'Iliescu dans le "minériades" - voir aussi l'aval donné à Eugen Barbu pour sortir la feuille antisémite (et antiroumaine) Romania Mare.
En 1987, paraît chez Albin Michel mon livre Le Calidor racontant mon enfance en Bessarabie. Ed. Reichmann publie dans un périodique roumain de Paris une "chronique". Cette fois pas seulement sans queue ni tête, mais carrément accusatrice : Goma Paul est antisémite, parce qu'il avait écrit que son père, Goma Eufimie, instituteur en Bessarabie occupée par le Ruses avait été arrêté - en plus par un juif - le 13 janvier 1941 - et déporté en Sibérie. Je n'y ai pas réagi. C'est lui qui m'a téléphoné. Il a bredouillé quelque chose suggérant qu'il avait lu mon livre hâtivement ; qu'il avait donc malencontreusement employé le mot qui tue («antisémitisme»)... Mais, tout en me parlant, il se met à me disputer : Pourquoi n'avais-je raconté aussi le martyre des juifs de Bessarabie ? Ma réponse fut que je n'éprouvais aucun besoin de «compensation» à cet égard. D'autant que ni dans ses propres livres ni dans ceux de ses amis je n'ai rencontré le moindre passage qui rappelle le martyre des roumains de Bessarabie et des Bucovine du Nord, eux aussi victimes innocentes des bolchévique occupant. Sur quoi E. Reichmann grommela quelque chose d'inintelligible, et il m'annonça après qu'il allait publier une « vraie » chronique dans Le Monde.
Elle a paru, la vraie-chronique. Où il n'était plus accusé d'antisémitisme l'auteur, mais ses personnages (la «population locale»).
Peu après cette discussion, dans la publication en roumain Revista Mea de Tel-Aviv paraissait une compo, «Le Caméléon», signée par Iosif Petran. J'y apprenais que jusqu'ici j'avais été un brave gars, mais que depuis avant-hier j'étais devenu subitement un antisémite redoutable. Cela veut dire que E. Reichmann n'était pas le seul juif qui trahissait sa nature (ne dit-on pas que le juif est l'Homme du Livre ?). Petran non plus n'avait pas lu le texte qu'il avait eu sous les yeux, mais il accusait Goma d'antisémitisme. J'ai amplement raconté cet épisode dans le volume Lettres entre-ouvertes (Familia, 1995, p. 430), je résume : I. Petran n'avait pas lu le livre de Goma Le Calidor, mais il avait lu la "chronique" de Ed. Reichmann dans Le Monde ; il avait extrait une citation de Reichmann, l'avait mise entre guillemets et l'avait attribuée à Goma. Pas bête, non ?
Je lui ai envoyé une lettre, en lui demandant de la publier. Il ne l'a pas fait. Par contre (sic) un autre vaillant chasseur d'antisémites, Jacob Popper, m'accuse lui aussi, vers 1990 - toujours d'antisémitisme - dans la revue Contemporanul.
Après toutes ces expériences directes de mauvaise foi j'ai pris la liberté de ne plus tenir compte des écrits de ces énergumènes qui déshonorent le mot.
Parmi les juifs raisonnables avec lesquels tu deviens ami il existe pas mal qui, d'un coup, déraillent : il suffit que tu exprimes une réserve concernant tel livre qu'il a écrit, telle attitude déplacée qu'il a eue... pour que le doux, intelligent, délicat se métamorphose en accusateur hystérique et se mette à jeter des cris :
«Espèce d'antisémite, tu prétends que j'ai fait cette vacherie, moi ? Tu n'es qu'un antisémite !»
Ceux-ci ne sont pas des idiots, comme ils veulent te laisser croire le lendemain. Si tu ne te laisses pas intimider, culpabiliser, antisémitiser, ils finiront par accepter qu'"ils ont exagéré, mais alors, pas beaucoup".
Il est vrai que le juif a vécu pendant deux mille ans dans des milieux hostiles à lui-même en tant qu'individu et à sa communauté, d'où l'effroi permanent qu'on ne l'agresse et l'effort permanent de prévenir les éventuelles violences. Mais le non-juif aussi sort de ses gonds trop facilement et se laisse blesser par les soupçons, les accusations, toutes graves, du juif : qu'il n'est pas sincère, qu'il lui veut du mal, qu'il le méprise, qu'il le hait - qu'il veut même le tuer... Au fond, qu'est-ce d'autre le cri du juif qu'une tentative de chasser le danger, qu'une expression de sa peur de ne pas se faire oublier-nier (lire : anéantir) ?
L'idéal serait que, au cours d'une discussion "sensible", le non-juif ait plus de patience plus de tact et surtout qu'il maîtrise l'information (l'histoire) mieux que le juif. Sinon, il sera pris au dépourvu - comme Liiceanu, Manolescu, Blandiana, Adamesteanu - et autre "reveillés après la Révolution de Décembre 89" - face à une riposte d'ailleurs normale. Il panique, il fait d'autres erreurs, après il se plaint à droite et à gauche qu'il avait voulu dire tout à fait autre chose...
Liiceanu, Manolescu, Blandiana, Adamesteanu et autre profiteurs-de-guerre avaient montré d'une manière brillante à l'occasion de la parution en roumain du Livre noir du communisme que, suivant la bonne tradition de l'homme de lettres roumain, ils ignoraient complètement l'histoire élémentaire. Pourquoi ? Quelle question... Par peur, bien sûr. Comme tous les innocents (mais pas les non-coupables) ils s'étaient hasardés sur un terrain inconnu sans boussole, sans savoir où mettre les pieds et prêts à prendre une taupinière pour des montagnes.
Liiceanu s'imagine que le fait d'être débrouillard, posseseur d'un doctorat ès négoce, te donne droit de monter sur tes grands chevaux - toi qui ne t'es pas soumis à la norme moyenne du courage avant 1989. Et de t'adresser de là-haut aux ordures (toi ?) en leur expliquant où en est-on de la morale (quelle morale, celle de philosophe Noica ?, peut-être celle de Plesu, ministre de Iliescu ?... C'est vrai que les récepteurs ne sont pas mieux placés que l'émetteur. Eux aussi ont survécu en léchant des bottes, si bien qu'il n'y eût personne (hormis moi-même, qui compte pour des prunes) à mettre Gabriel Liiceanu face à son «Appel» comme devant un miroir. Encouragé par l'analphabétisme des masses de lecteurs-auditeurs qui avalent tous les bobards, "le plus jeune philosophe roumain" (Liiceanu) franchit le seuil de la synagogue en déclamant : «Sébastian, mon frère !» Là il confond les premiers applaudissements avec l'assentiment donné à l'insolence de se proposer comme frère du juif - sans doute abusivement et par intérêt. Et lorsque certains juifs ont l'inimaginable audace de douter de sa sincère "fraternité", ils lui font peur. Par manque d'habitude de combattre en arène pour une idée (pratiquant plutôt les coulisses pour garder la prospérité du clan) il fournit cette réplique ridicule à l'accusation de E. Reichmann : ce dernier n'aurait pas raison, vu qu'on lui avait refusé autrefois un roman à Humanitas... Eh bien, bravos, enfants de la patrie...
Pareil, mais à l'identique - (selon le modèle «Bien fait pour moi, si je discute avec une tuberculeuse») - procède Nicolae Manolescu. Sans aucune idée sur le sujet, incapable quitter la basse-cour de la littérature pré-approuvée, il accusa Norman Manea d'être un "écrivain que la critique rend nerveux". Cette irritation serait due à son opinion à lui (Manolescu) sur la littérature de Manea. Il fut singé avec promptitude par la machine-à-écrire-des-conneries Alex. Stefanescu : d'après ce laquais de n'importe qui, "les jugements critiques" de Norman Manea ne sont pas justifiés, car formulés par "un écrivain sans talent (...) accusant d'outre-Atlantique".
Or, il ne faut pas chercher là les défauts de Manea. J'en ai déjà parlé dans mes dialogues avec Laszlo Alexandru, parus dans son volume Orient-Express (Dacia, 1999). Voyons. Norman Manea, victime directe d'une tentative d'extermination, la sienne, ainsi que de celle de sa communauté, est parfaitement légitimé à dénoncer, à accuser les auteurs plus haut mentionnés, car ce sont des membres de la communauté qui les a persécutés. Se taire le rendrait coupable.
Seulement, Norman Manea n'est pas qu'un juif. Il est aussi un écrivain roumain. Et l'écrivain roumain Norman Manea, une fois arrivé en Occident, à la liberté de la parole, est resté muet comme une carpe, sans dire un traître mot sur les crimes du pouvoir communiste en Roumanie. Pays d'où il sortait, pourtant, et où ses amis, ses collègues, ses conationaux, ceux du même sang que lui - tous innocents - continuaient d'en être les victimes. En gardant le silence, il a eu un comportement de non-écrivain. Quand, enfin, il a ouvert la bouche, qu'est-ce qu'il dénonça, l'écrivain roumain Norman Manea - en premier lieu ? L'antisémitisme - du moment - il y a un demi-siècle, de l'écrivain Mircea Eliade qui était, lui-même, déjà mort et enterré depuis cinq ans.
Mais qui lui donner la réplique, en connaissance de cause ? Manolescu, élevé à l'école de Ivascu, ce mouchard-de-prison ?; qui fréquentait le l'apparatchik diversioniste Gogu Radulescu (d'aiellurs "l'oncle" de Blandiana et Buzura)? Peut-être Liiceanu, qui dissertait à n'en pas finir avec Noica à Paltinis du vrai sexe des anges tandis que le pays entier mourait d'une vraie mort ? Le plus commode (pour un directeur de conscience roumain), c'est de jeter au quidam : «Espèce de tuberculeux !», plutôt que de démasquer le comportement lâche, partial, (donc, mensonger) du même Norman Manea.
Manolescu et Tudoran (Stefanescu ne compte pas, de toute façon), ont commis une grave erreur en s'engageant dans des discussions qui dépassent leurs préoccupations "strictement culturelles" - comme la question juive. Ils ont aussi commis un quiproquo monumental en se prenant pour de vaillants analystes politiques capables de commenter l'oeuvre de la nullité nuisible qui est Garaudy, cet affreux ex-bolchevik philosémite, métamorphosé en islamiste antisémite enragé.
Vu de la province culturelle roumaine (celle qui résiste ! - culturellement...), il suffit de t'exprimer en français pour (tout Français semble) être un "grand penseur " (n'oublions pas le scoop toujours valable après deux siècles : "vous savez, à Paris, même les cochers parlent français"). Tu as beau être directeur en Roumanie (même littéraire), si tu ne piges rien en politique au quotidien. Il s'agit ici du mouvement des idées, pas du slalom entre côteries, cliques, bandes dirigées par des truands, des délateurs notoires (Quintus), des bolcheviks (Burtica, Gogu Radulescu), des membres du KGB comme Iliescu (ou Poutine !) ou de la Securitate (les anciens, comme Pelin, Catarama, ou les nouveaux, Voican-Sturdza). Je n'ai pas lu les textes incriminés par E. Reichmann (de Tudoran, Manolescu, Liiceanu). Mais sans demander sa permission, je peux affirmer qu'il n'y a jamais eu et il n'y aura jamais la moindre trace d'antisémitisme ni dans leur pensées ni dans leur écrits. Il y a plutôt des gaffes culturelles (comme "l'exégèse" de Garaudy), des affirmations qui "se prêteraient à être interprétées" comme antisémites, ce qui par ailleurs fut vite fait. Pour des raisons, j'en suis sûr, qui n'ont rien à voir avec les juifs, le judaisme, l'antisémitisme. J'affirme cela parce que je connais bien les incriminés, je connais leurs écrits. Et je prend le risque de mettre ma main au feu pour ces ex-amis. Tenons-nous-en toujours dans l'aire roumaine : il existe, entre juifs et non-juifs, un litige, un problème. Qui n'a jamais été résolu, à défaut d'être formulé.
On pourrait présumer un début d'éclaircissement du problème (mais pas sa solution) si un débat honnête était engagé qui, en plus de la probité historique, serait régi par la bonne foi. Un débat où chacun, même s'il n'y est pas habitué, doit se tenir à peu près à cela :
- écouter, faire l'effort d'enregistrer et de comprendre ce que dit l'autre;
- respecter l'opinion de l'autre même s'il n'est pas d'accord avec les idées qu'il soutient ; respecter son opinion, ne pas l'interrompre, ne pas brouiller son discours avec des mimiques et des paroles qui le vexent et le déstabilisent;
- prétendre à son tour le même traitement de la part des autres;
- se servir de preuves pour appuyer une accusation. Pour nous, hommes de lettres, les preuves sont les citations - en aucun cas les résumés abusifs.
Mes remarques peuvent avoir l'air d'un cours pour le primaire. Et il faut le prendre comme tel. Parce que le Roumain - même juif - (de)façonné par le communisme, a perdu l'habitude de soutenir en public son propre point de vue, séparé de celui du parti. En échange, après 1990 il apprend on ne sait pas où que dialoguer signifie engueuler ton interlocuteur, l'accuser en sortant tout ce qui te passe par la tête, sans aucun argument, aucune preuve. Bref, agresser ton ami juste pour le vaincre et non pour le convaincre.
Quel serait le but du débat - télévisé, peut-être - pour lequel je viens de plaider ? Eh bien, ce serait celui de (re) définir les relations entre les roumains et les juifs en Roumanie. Dans le Programme que j'ai présenté en 1995 à l'élection présidentielle j'affirmais à peu près ceci :
Si les Roumains veulent devenir un peuple, il ne devront pas rester une populace à la mentalité éternellement rurale ; si les roumains veulent faire reconnaître leurs qualités, leurs réussites, ils devront commencer par reconnaître leurs travers et leurs fautes;
Si les Roumains veulent devenir crédibles dans leurs argumentations ils devront reconnaître la culpabilité de l'Etat roumain dans la persécution (allant jusqu'à l'extermination d'un certain nombre de gens) de certains ethnies (Juifs, Tsiganes, Allemands) ainsi que de certaines catégories de Roumains : les réfugiés des provinces cédées aux Russes : les Bessarabiens et les Bucovinains.
Je connais et j'accepte en tant que Roumain la vérité. Je connais aussi l'une des méthodes défensives-offensives de quelques juifs négationnistes concernant les massacres de Bessarabie et de Bucovine : l'inversion chronologique. Leur Evangile est le Livre noir, conçu en 1945 par un comité des juifs d'URSS dirigé par Ilya Ehrenburg et Vassili Grossmann (le futur dissident). Cette manoeuvre indigne a d'ailleurs été utilisée par les Roumains aussi, pour justifier un conflit provoqué bel et bien surtout de leur faute.
Il y a une chronologie objective - que personne ne pourra nier s'il connaît l'histoire contemporaine élémentaire, ce qui n'est pas le cas pour nous autres Roumains. Cette chronologie est la suivante :
- Fin 1937-début 1938, le gouvernement Cuza-Goga légifère en Roumanie la discrimination des juifs. Déclenchement de la Deuxième Guerre mondiale (1er septembre 1939). Des bruits-informations couraient sur une entente Hitler-Staline (23 août 1939) qui allait priver à nouveau notre pays de la Bessarabie (les juifs en général, pas que les communistes juifs, penchaient vers une « rétrocession juste à l'Union soviétique »). Jusqu'au 28 juin 1940 (cession de la Bessarabie, de la Bucovine du Nord et du territoire de Hertza) les juifs des territoires roumains ont été victimes d'humiliations, de discriminations, de persécutions, de spoliations - parfois de violences - mais on n'a pas attenté systématiquement à leur vie.
- 28 juin 1940. Commence le retrait de l'administration et de l'armée roumaine des territoires cédés à l'URSS. Dès le soir du 27 juin, des agents soviétiques, parachutés ou "déterrés", - majoritairement des juifs - ont attaqué les convois de réfugiés civils et militaires roumains qu'ils ont lapidés, éclaboussé de fécales, fait sortir des colonnes, puis ils ont arrêtés comme "prisonniers de guerre" (mentionnons qu'aucun état de belligérence entre la Roumanie et l'URSS n'avait été déclaré). Ils ont fusillé de manière démonstrative dans la rue des fonctionnaires de l'administration, des policiers et surtout des théologues et des prêtres.
La Semaine de la Passion (28 juin-4 juillet 1940), comme l'ont appelée les militaires et les civiles réfugiés, n'a été que la partie visible de l'iceberg. Le 28 juin même, dans les zones situées le plus à l'est commença l'Année Noire (ou la Moisson Rouge). C'était la Première Occupation soviétique des territoires roumains cédés.
Quelle a été l'attitude des juifs face à ces vérités historiques ?
1. Ils nient purement et simplement les exactions, les actes de bar-barie commis surtout par des juifs durant la Semaine de la Passion. Et, je le rappelle, contre des gens qui se retiraient, se réfugiaient et qui avaient reçu l'ordre de ne se défendre pas. A voir, dans ce sens, l'intervention de Z. Ornea qui, dans Romania literara, prétend qu'il n'existe pas des documents crédibles. Crédibles pour qui ? Pour lui, Z. Ornea, manipulateur (de documents) branché Buzura et Plesu - et Iliescu ?;
2. Ils relativisent la contribution des juifs à la persécution, déportation, assassinats des Roumains bessarabiens et bucovinains, du 28 juin 1940 au 22 juin 1941 (quand la guerre a éclaté), prétextant que l'occupant était le pouvoir soviétique et non pas les juifs; qu'il n'était pas sioniste, mais communiste. Cela est vrai. Mais ce n'est pas moins vrai qu'une grande partie, une immense partie de l'appareil soviétique (administratif, politique, policier) agissant sur les territoires roumains occupés étaient des juifs. Ils avaient du coeur à l'ouvrage dans l'exercice de leur rôle de fonctionnaires soviétiques et surtout ils étaient animés d'une haine sans limites contre les gens de nationalité roumaine. Cette haine se traduisit par des actes de pure bestialité envers les téologues, les moines, les prêtres. Une giffle reçue, il y a des années, par un élève impertinent où paresseux devenait, après le 28 juin 1940, un "acte caractérisé de persécution antisémite", et le malheureux "pogromiste" s'il n'était pas fusillé sur place où au NKVD du secteur, était envoyé en Sibérie pour "activité antisoviétique".
3. Ils expliquent "certaines erreurs" par... la supériorité du système communiste, soviétique, sur le système obscurantiste roumain, gardé par les bourgeois et les grands propriétaires terriens. C'est ce que font, d'ailleurs, les auteurs du Livre noir (1945).
Continuons la chronologie.
L'été 1940 est devenu plus tragique encore par la perte du Nord de la Transylvanie, et du Sud de la Dobrudja. Après, par l'instauration de l'"Etat national légionnaire" des Gardes de Fer. Et, en novembre, par le "massacre de Jilava", l'assassinat de Madgearu, de Iorga...
La néfaste année 1940 prend fin. Commence la tragique année 1941, par le premier événement noir : la Rébellion des Gardes de Fer (21-23 janvier). C'est là-dessus que les juifs avancent des chiffres importants "des centaines, sinon des milliers de juifs assassinés par les Gardes de Fer" - et on produit comme argument l'Episode de l'Abattoir.
Quelle est la vérité là-dessus ? Pourquoi ne pas discuter documents à l'appui pour savoir, enfin, ce qui s'était passé là-bas et qui avaient été les protagonistes ? J'ai lu des "témoignages" qui nient totalement le massacre et la profanation des cadavres (accrochés à des crochets). Cela m'a semblé symétrique face aux affirmations estimant le nombre des victimes à "des centaines sinon des milliers". C'est-à-dire pas réelles. Et moi, devrai-je faire la moyenne entre les chiffres de la droite et de la gauche ? Mais ce serait pas seulement une fausse démarche, mais une profanation, parce qu'il s'agit de l'assassinat de gens innocents. Combien ? Le crime commence par le chiffre 1.
Dans la presse roumaine de la période 27 juin 1940-22 juin 1941 il y avait des nouvelles, des témoignages sur les crimes des bolcheviks perpetrés dans les territoires roumains occupés. Certainement pas toutes les informations et pas dans leur intégralité. Il y avait des informations... sur des informations, édulcorées, souvent même castrées, le souci des gouvernants étant que la détresse nationale ne se transforme pas en émeute, révolte, révolution, pogrome, qu'il n'y en ait plus d'autres détails concernant le rôle des juifs dans le martyr des Bessarabiens et des Bucovinains. Parce que la population roumaine était déjà montée contre eux. Aux militaires qui s'étaient trouvés dans les convois de la retraite durant la Semaine de la Passion on avait ordonné de ne pas raconter leurs déboires pour ne pas provoquer des actes de vengeance.
Les actes de vengeance contre les juifs ont été bridés, tenus sous contrôle pendant toute une année, entre le 27 juin 1940 et le 22 juin 1941. Durant cette période-là, les juifs, ceux qui étaient encore restés en Roumanie, avaient subi des persécutions, mais on n'avait pas attenté à leur intégrité corporelle, en tant que juifs (reste à élucider l'épisode de l'Abattoir).
Les attentats à la vie des juifs ont commencé après le déclenchement de la guerre, le 22 juin 1941.
Sont réunies alors deux sources d'information : l'une directe, du front, de Bessarabie, Bucovine du Nord et Hertza, après le refoulement des troupes soviétiques, surtout après la découverte des charniers où avaient été jetés les cadavres des fonctionnaires, des enseignants, des prêtres, des lycéens, des employés des Chemins de fer - tous des Roumains - portant les traces des tortures, des mutilations qu'on leur avait infligées avant l'exécution (beaucoup de victimes n'ont pas été identifiées, car elles n'avaient plus de tête). La deuxième source était celle de 1940, durant le retrait, complétée par des informations recueillies durant l'occupation (donc avant le 22 juin 1941) et qui n'avaient pas encore été divulguées au public auparavant. S'y rajoute le fait (vrai ou faux) que, après le déclenchement de la guerre, des juifs, la plupart de Iassy, ont déclaré leur hostilité à l'Armée roumaine en même temps qu'ils auraient montré leur sympathie envers l'Armée rouge, en indiquant aux aviateurs soviétiques par radio des objectifs à bombarder sur le territoire roumain.
A partir de ce moment-là on peut parler d'une atmosphère antisémite quasi générale en Roumanie, qui s'est soldée avec l'assassinat de juifs à Iassy (et le "Train de la Mort"), ainsi que par l'acquiescement aux dispositions du gouvernement concernant l'extermination des juifs capturés sur le sol de la Bessarabie et de la Bucovine, puis à la déportation en Transnistrie des juifs du reste du territoire roumain, dont nombreux ont été liquidés - ce mot nous fait peur, mais le souci de vérité nous obligé de l'employer - quoique innocents.
Retour à la chronologie que les Roumains ignorent, ce qui fait que les juifs la manipulent :
Les auteurs du Livre noir de 1945 (coordinateurs : Ehrenburg et Grossmann), en inversant la chronologie des événements, soutiennent que la "sévérité" des autorités soviétiques envers les "représentants" des grands propriétaires terriens et des bourgeois royalistes roumains (durant la première occupation : juin 1940-juin 1941) était la conséquence du... massacre des juifs d'Ukraine !
Il ne s'agit pas ici d'un "oubli" (le juif n'ignore pas la valeur du temps, comme le Roumain !). Il ne s'agit pas non plus d'intervertir la cause et son effet (et vice versa, comme dirait le classique), parce que dans les relations entre roumains et juifs il y a encore beaucoup à discuter. Il s'agit là d'une simple (et vulgaire) inversion chronologique des événements dans leur succession telle qu'elle est présentée dans le Livre noir (1945).
Voilà pourquoi, pour le débat que je propose, il faudra se munir de matériel auxiliaire, plus précisément d'une carte - pour voir ou, géographiquement se sont passées les événements dont on parle - et d'un tableau avec les dates pour voir quand se sont passés les événements.
Quand nous serons capables de faire notre mea culpa, nous saurons dire que nous sommes devenus des bipèdes (sans plumes). Pas avant.
J'ai entendu, j'ai lu des stupidités du genre : «Je ne peux pas demander pardon aux juifs pour ce qui leur est arrivé parce que à l'époque je n'étais pas encore né, donc je ne suis pas coupable». Je cite là la pensée infirme d'un type qui passe pour un "directeur de consciences", rédacteur en chef de Romania literara. Traine-savates à la télévision, militant de dernière heure dans le parti national paysan chrétien-démocrate et fan de Constantinescu. Il s'agit d'Alex. Stefanescu, c'est lui qui a publié dans Romania libera ce que je viens de citer plus haut. D'ailleurs, je lui ai répondu dans Cotidianul (1998).
Il sera aussi nécessaire que les juifs reconnaissent eux aussi leur part de responsabilité dans le comportement bestial envers les Roumains aussi bien pendant la première occupation soviétique de la Bessarabie, de la Bucovine et de la Hertza ( 27 juin 1940-22juin 1941), que pendant l'occupation totale de la Roumanie, après août1944.
S'ils refusent de reconnaître que eux aussi ont été capables de faits réprobables, ils vont consolider les positions de ces Roumains qui, de manière symétrique, nient la déportation même des juifs en Transnistrie.
Or les juifs ont besoin d'un dialogue - avec les Roumains, comme avec les Palestiniens. Un dialogue d'où aucune des parties ne sorte "vaincue, humiliée, niée". Si je suis... antisémite...
Je refuse de répondre à une telle question. Je ne me définis pas par rapport aux autres, mais par rapport à des faits. Je considère que la sommation («Prouvez-nous que vous n'êtes pas antisémite !») montre, au delà d'une énorme insolence, une affligeante défaillance de la raison.
Est-ce qu'on a jamais demandé à celui qui pose cette question s'il est... anti-goy ? Je me méfie aussi des juifs qui affirment que nous, les Roumains, ne sommes pas antisémites. C'est une réponse qui n'a pas été demandée.
J'ai eu dès le début de l'antipathie pour le pseudonyme "Nicolae Niculescu", signature de l'essai Le Secret de la lettre perdue, dans la revue Ethos n°2/1975, essai que par hasard j'ai moi-même dactylographié en 1973, lors de mon premier voyage à Paris. A l'époque je ne savais pas qui se cachait derrière ce nom, je l'ai appris après la mort de... Steinhardt. J'ai été navré, Le Journal du bonheur (pour le sortir de Roumanie en 1975 j'avais donné un coup de main) semblait écrit par un autre auteur. Donc je n'ai absolument pas aimé l'essai : un tel texte protochronisto-philo-roumain aurait très bien pu être publié dans la Roumanie de Ceausescu. Car voici les thèses niculesciennes :
- le peuple roumain est gentil, doux, humain, peut-être le plus humain au monde...;
- Caragiale, celui de La Lettre perdue, n'est pas, mais pas du tout un auteur méchant avec ses personnages. Au contraire, il est gentil (vu qu'il fait partie du peuple roumain);
- le peuple roumain n'est pas, mais pas du tout antisémite...
Cette dernière affirmation ne laisse pas de penser que, s'il ne l'est pas, il peut le devenir à force d'écouter de tels bobards...
J'ai retrouvé la même affirmation - «les Roumains ne sont pas antisémites» - dans le texte de Virgil Duda, Le Pays volé, écrit en Israël, arrivé à Paris en 1989.
Si un Roumain avait dit-écrit une telle assertion j'aurais été sûr de deux choses : 1. il est antisémite. 2. Un crétin l'a accusé de l'être et il ne sait plus quoi faire pour se débarrasser de cet étiquette. Mais pourquoi un juif le fait-il ?
J'ai employé le terme "méfier" et ce n'est pas par hasard. Car Leon Volovici - l'un des historiens qui travaillait à une époque à Iassy, maintenant en Israël, a soutenu la même assertion en parlant du maréchal Ion Antonescu. Mais dans quelle compagnie le fait-il ? Eh bien, celle de I.C. Dragan, simultanement garde-de-fer, ami (et) agent de Ceau(section)escu, proprietaire de revues antioccidentales, antimagyares, atisemites, et, après 1989 camarade de Ion Iliescu...
Bref, un Ed. Reichmann, camarade de luttes de classe de même Iliescu, prétend que tous les Roumains sont antisémites tandis que L. Volovici, de l'entourage de Dragan, soutient que Antonescu, l'auteur des décrets par lesquels les juifs étaient envoyés mourir en Transnistrie n'était pas, lui, si antisémite que ça !
S'il y a quelque chose d'incompréhensible dans cette... contradiction, alors en voici une hypothèse : Ed. Reichmann, Radu Ioanid, Norman Manea - et bien d'autres, domiciliés en Occident, mais hors-Israël, peuvent écrire vérités et contrevérités afin de défendre les juifs. Duda, Volovici (ainsi que d'autre historiens officiels) représentent les intérêts des Israéliens (qui ne coincident pas entièrement avec ceux des juifs...).
Puisqu'on parle d'antisémites, antisémitisme... J'ai entendu beaucoup de juifs adresser de graves accusations à leurs coreligionnaires qui fabriqueraient de l'antisémitisme par excès.
J'ai même entendu certains d'entre eux se déclarer... antisémites pour les mêmes raisons.
Je ne les ai pas contredits. Entre temps, j'ai lu la polémique da la revue 22. Cela n'a modifié en rien l'opinion que je m'étais faite sur le sujet, sans leur bibliographie. Je résume :
- Liiceanu, dans le texte Sebastien, mon frère, ne présente pas des symptômes d'antisémitisme - si j'étais méchant, je dirais : au contraire, il affiche un philosémitisme huileux, sans autre nécessité que la préparation du terrain en vue d'y ériger sa propre statue de "grand persécuté par les communistes"...;
- Voicu, dans le texte qui provoqua la Grande Mini-Bataille, n'a pas formulé l'accusation d'antisémitisme à l'adresse de Liiceanu (malgré tout ce qu'affirme Vasile Popovici).
- Sémillant érudit de quatre sous, d'une malhonnêteté opiniâtre, avec ses citation fantaisistes, ses résumés inexactes mais toujours accusateurs, ses manipulations dans les textes "cités" (voir des noms de... philosémites inclus dans le texte de Voicu : Tsepeneag, Breban, Iorgulescu) - Ed. Reichmann a jeté le pavé dans la mare... Ceux qui s'empressent à le chercher ne sont pas plus sensés.
Je m'en fiche de ce que disent Pavel Cîmpeanu, Ioanid, Lavastine-Laignel (autre monument d'ignorance doublée de mauvaise foi, on dirait une Roumaine de souche).
Ces deux camps sont constitués de manière à ne pas communiquer : accueillant des gens pour lesquels la vérité, dans un débat, est une question totalement secondaire, même négligeable, il était fatal que leur dialogue montre qu'en Roumanie postcommuniste chacun récite son discours), personne n'écoute son interlocuteur - mais accuse celui-ci de tous les péchés.
La question de l'antisémitisme ainsi présentée, en dépit de l'espace typographique qu'on lui a accordé, reste au second plan, et de toute façon, elle reste une conclusion dont les prémisses n'ont pas été énoncées.La bagarre a lieu autour de ces deux réponses (aux questions) :
1. Est-il vrai ou pas que les juifs ont été le facteur déterminant dans l'instauration du communisme en Roumanie ?
2. Peut-on mettre le signe de l'égalité entre nazisme et communisme ? Entre Holocauste et Goulag ?
Comme je suis quelqu'un qui, d'un côté, y a été partie prenante malgré soi (j'ai été accusé simultanément d'antisémitisme et philosémitisme) ; comme, d'autre part, j'ai des connaissances d'histoire - disons des notions d'histoire, ce qui est beaucoup car Liiceanu, Reichmann, Manolescu, Z. Ornea n'en ont aucune - je me permet d'entrer dans ce débat :
1. Ces Roumains se trompent, qui soutiennent que les juifs ont con-stitué le facteur déterminant dans l'instauration du communisme en Roumanie.
- le facteur déterminant dans l'instauration du communisme en Roumanie, comme dans d'autres pays, a été l'Armée rouge qui a occupé notre pays.
- ce n'est pas uniquement en Roumanie que les juifs ont joué un rôle de premier plan dans l'instauration du communisme, ils l'ont fait aussi en Russie, en 1917, en Hongrie en 1919...
- ce n'est pas uniquement en Roumanie mais dans toute l'Europe de l'Est occupée militairement par les Russes que les juifs ont contribué à l'instauration du communisme, jouant le rôle de :
a) collaborateurs de l'occupant, recrutés parmi les autochtones. Sans oublier aussi les collaborateurs hongrois, tsiganes, ukrainiens et... roumains ;
b) émissaires de Moscou (juifs russes, juifs hongrois, juifs français etc.), mais il y avait aussi des non-juifs : Russes-russes, Bulgares-bulgares, Hongrois-hongrois...
Les Turcs aussi se servaient de collaborationnistes (parmi les boyards locaux) aussi bien que des envoyés étrangers : Arméniens, Albanais, Aroumains de l'Empire ottoman, et surtout des Grecs du Fanar. Ce n'est pas l'occupant russe qui a, le premier, employé les minoritaires pour soumettre les majoritaires, en définitive, cela tient à la nature même de l'occupant, de se servir des auxiliaires recrutés parmi les minorités ethniques qui avaient été persécutées auparavant (Juifs, Tsiganes). (En Roumanie il y avait une minorité ethnique qui n'avait guère été persécutée auparavant, mais qui a été portant largement employée par les Russes contre la majorité roumaine : les Hongrois).
Indubitablement, les juifs qui soutiennent qu'ils ont joué le rôle de banals collaborateurs disent/écrivent-ils une contrevérité flagrante. Ils n'on pas été de banals collaborateurs, mais des zélés, certains même fanatiques. En oubliant, selon un programme (soviétique !), l'ordre des événements dans le temps, ils sont parvenus à justifier les agressions de 1940-1941 en les présentant comme une réponse à la déportation et au massacre de leurs coreligionnaires par les Roumains, après le 22 juin 1941, en éludant leurs actions abominables entre le 27 juin 1940 et le 22 juin 1941, en Bessarabie et en Bucovine du Nord. Il est vrai, ils agissaient sous le drapeau de l'occupant soviétique.
En fait, la vengeance exercée par des juifs sur des Roumains (et pas que sur eux) n'avait pas un motif immédiat. Il faut remonter loin dans le temps, à la destruction de Jérusalem qui les a disséminés un peu partout aux quatre points cardinaux et surtout aux persécutions infligées par l'église chrétienne. Pas uniquement par l'Eglise catholique car dans l'Empire russe le pogrome n'a pas été inventé par les papistes polonais assujettis mais par les maîtres russes orthodoxes.
La révolution bolchevique leur a donné le pouvoir de frapper le christianisme, on peut imaginer ce qui aurait été si l'armée russe arrivait jusqu'à l'Atlantique, en occupant des pays catholiques comme la France, l'Italie, l'Espagne, le Portugal...
(Est-ce qu'ils ont raison, les juifs, de se venger de leurs oppresseurs/persécuteurs ? En obéissant à la Loi du Talion, oui. Mais selon les Dix Commandements, non, ils n'ont pas le droit de dénaturer la vérité).
Pareil pour les Roumains. Ceux qui soutiennent que les juifs ont joué un rôle déterminant dans l'instauration du communisme en Roumanie, affirment/écrivent une contrevérité. Les juifs y ont eu un rôle important, disproportionné, même comparés à la minorité hongroise (jusqu'en 1952 ils étaient proportionnellement plus nombreux que les Hongrois et dans des postes plus importants) ; mais leur rôle n'a pas été déterminant, on n'est pas sans savoir que l'Armée rouge qui avait occupé la Roumanie n'était pas composée de soldats juifs. 2. Dans la dispute Holocauste-Goulag, les trompeurs trompés sont les juifs.
C'est complètement compréhensible qu'ils ne soient pas prêts à oublier les persécutions qu'on leur a infligées depuis deux mille ans et qui au XXe siècle ont culminé par la tentative d'extermination en masse organisée par le nazis. Mais il est inadmissible que les juifs minimisent, banalisent, repoussent sur le énième plan et même nient des massacres (qui peuvent être classés eux aussi comme génocides) d'autres ethnies que la leur, qui ont été signalés soit avant l'Holocauste - comme le massacre de 1915 des Arméniens - soit après, comme ceux du Tibet, du Cambodge, d'Ethiopie, de Rwanda, de Tchétchénie...
L'année passé, ici, en France, il y eut un scandale vite étouffé : la communauté arménienne sollicitait depuis longtemps la reconnaissance officielle du génocide arménien perpétré par les Turcs, en 1915. Le président de la République, Jacques Chirac, a fait publique une déclaration de reconnaissance, mais le Sénat s'y est opposé et s'y oppose encore aujourd'hui. Pourquoi ? Tout d'abord, parce que cela suppose une condamnation de la Turquie, important client de l'industrie aéronautique française ; ensuite, parce que l'Israël avait appuyé (en quelle qualité, cet appui ?) la demande de la Turquie d'être cooptée dans la communauté européenne (!), sûrement pour des raisons de stratégie locale dans le Moyen-Orient.
Simultanément il s'est amorcé un "débat scientifique" autour du génocide des Arméniens et parmi les négationnistes on pouvait compter l'historien Gilles Veinstein, turcologue, professeur à la Sorbonne (co-auteur avec Mihnea Berindei d'une étude sur les Douanes turques). Avec une surprenante suffisance celui-ci nia l'intention des Turcs d'exterminer les Arméniens et par la suite, le caractère programmé de leur massacre dans le cadre de l'Empire ottoman en 1915. Le pire c'est que lui, juif, ne se gêne pas d'entrer dans la catégorie des negationnistes. C'est vrai, sa négation ne portait "que" sur le massacre de goys...
De telles démarches sont indignes et ne font que confirmer les accusations des Palestiniens : les juifs ont institué un monopole de la souffrance en interdisant à d'autres communautés non seulement d'avoir une place sur terre, sous le soleil de la Palestine, mais aussi dans la mémoire des hommes.
Il est inadmissible l'interdiction des juifs de mettre sur deux colonnes le nazisme et le communisme, de comparer l'Holocauste et le Goulag. Ils fournissent eux-mêmes l'explication : l'extermination des juifs - programmée par les nazis, mise en application avec une barbarie sans bornes et avec des conséquences catastrophiques pour la communauté - doit rester unique dans l'histoire. Par conséquent, il est interdit d'employer le terme d'Holocauste en parlant d'un autre massacre, d'une autre destruction massive d'une communauté ou d'une catégorie humaine.
Ainsi, un ami d'exil arménien (Armand Malumian) a été traîté de... blasphématoire parce qu'il avait écrit à peu près ceci : "A Vorkuta, après la grève (il était l'un des organisateurs de cette légendaire grève avec notre compatriote Johann Urwich, en juillet 1953), la répression fut un vrai holocauste..."
Après tout, c'est l'écrivain catholique François Mauriac, en 1958, dans Le Figaro, qui a employé et imposé le terme gréco-latin holocauste, pour désigner - à côté du mot d'origine hébraique shoah - l'extermination des juifs par les nazis...
Une grande partie de la responsabilité dans le détournement de ce débat revient aux non-juifs. Ignares, ignorants des événements, ou, plus grave, atteints d'amnésie, ils sont faciles à manipuler, à désinformer, à... détourner (car ils ne connaissent pas leur sujet). Si Liiceanu, Manolescu, Tudoran (et "d'autres antisémites", comme dirait le camarade de la camarade Lilly Marcou, célèbre stalinienne, devenue "politologue", Ed. Reichmann) avaient eu des connaissances d'histoire ils auraient été au courant des idées suivantes :
a) il est vrai que la doctrine nazie avait prévu, noir sur blanc, l'anéantissement de la « race » juive...
- mais la pratique du nazisme a abouti à l'anéantissement de différentes autres ethnies aussi : tsigane et slave ; et celui d'autres communautés humaines comme les homosexuels, les handicapés, les communistes, les maçons, les catholiques etc.;
b) il est vrai que la doctrine communiste ne prévoyait pas l'«anéantissement d'une certaine race», mais l'«anéantissement de certaines classes» : la bourgeoisie, les paysans, le clergé, les officiers de carrière...
- mais la pratique du communisme a abouti à l'anéantissement de plusieurs communautés ethniques : ukrainienne, balte, moldave, tatare, tchétchène ; à la liquidation d'autres catégories aussi : déviationnistes, cosmopolites, sionistes, cosmopolites, nationalistes, espions, saboteurs... Donc aussi bien le nazisme que le communisme ont été (le nazisme est mort, vive le communisme ! en Chine, en Corée, à Cuba !) des doctrines de la destruction de l'homme, de la destruction des valeurs humaines basées sur les valeurs judéo-chrétiennes.
S'il est compréhensible (mais pas acceptable) que les juifs évitent de parler du massacre programmé des Tsiganes, des Polonais , des Biélorusses, des Ukrainiens il est insupportable que des chefs de file des intellectuels roumains ouvrent des débats ou s'y engagent en totale ignorance du sujet.
Ils n'auraient pas dû se proposer de dresser les listes de "collaborationnistes juifs" (moi-même, je peux donner la liste des collaborationnistes... transylvains, ceux-ci ayant, à la différence des juifs, vendu leurs propres frères et leur pays : le sinistre Petru Groza en tête, suivi par la Securitate culturelle : Beniuc, Dumitru Mircea, Andritoiu, Virgil Candea, Titus Popovici, Francisc Munteanu, Francisc Pacurariu, Romul Munteanu, Dodu-Balan, Ion Brad, Ghise, Lancranjan, Dumitru Micu, D.R. Popescu, Petre Salcudeanu, Ioan Alexandru, A.D. Munteanu, Buzura...); ils n'auraient pas dû non plus comparer l'Holocauste au Goulag, seulement pour établir lequel précédé l'autre, dans le temps, lequel a produit l'autre. Ils auraient dû se proposer tout simplement de parler du phénomène terroriste nazi ainsi que du phénomène terroriste bolchevique comme de monstruosités parallèles et simultanées, ayant des effets identiques : l'assassinat de dizaines de millions d'innocents.
Affirmer : «le Goulag a été un Holocauste qui a fait plus de victimes» est une ineptie, même s'il y a là une partie de vérité. On ne peut pas concevoir la "supériorité quantitative" d'une horreur sur une autre, le crime commence à partir d'une victime, pas d'un million.
Il aurait été normal que, face aux juifs qui ne veulent pas admettre le parallèle Holocaust-Goulag, les non-juifs fassent les renvois bibliographiques nécessaires. Cela avait déjà été fait même par des intellectuels juifs :
-Vassili Grossmann (co-auteur en 1945, du Livre noir) dans son roman Vie et Destin écrit après la mort de Staline (1954)
- André Glucksmann, le "nouveau philosophe" : il y a 25-30 ans déjà, il mettait sur deux colonnes le Goulag et l'Holocauste dans le volume la Cuisinière et le mangeur d'hommes ;
- Marc Ferro qui, depuis quelques bonnes années réalise une très bonne émission là-dessus à la télévision et vient de publier un volume sur nazisme et communisme
-Alexandre Adler. Lui aussi officie dernièrement à la télé, et dans d'excellentes émissions sur nazisme et communisme.
Il n'y a pas que eux. Hannah Arendt et Pierre Hassner et Alain Besançon et Alain Finkielkraut, Esther Benbassa ont «commis le sacrilège» de comparer les horreurs de cet horrible siècle !
Et parce que des journaleux roumains perspicaces ont affirmé que les auteurs du Livre noir du communisme sont tous juifs, nous leur suggérons d'observer que là aussi on compare les crimes des communistes et des nazis. Le débat des bords de Dimbovitza me paraît un vulgaire tapage soulevé par l'ignorance crasse, l'analphabétisme en matière d'histoire élémentaire de l'intellectuel roumain - même s'il est juif.
Et l'impertinence d'un Ed. Reichmann (le spécialiste en littérature roumaine pour lequel Cezar Petrescu et Camil Petrescu ne font qu'une seule et unique personne et un seul auteur : "C. Petrescu" !) a trouvé son répondant dans la suffisance ignorante et le manque d'honnêteté des Liiceanu, Manolescu, Tudoran ...

Photographie de Dan Culcer © 11 mars 2000


Le texte a ete initialement publié dans la versiopn ancienne de la revue  Asymetria, dont certain pages sont encore accessibles sur Internet Archive a l'adresse suivante :
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