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    Eseuri: Dan Culcer. Zevedei Barbu : Un om de stiinta roman uitat?
    Scris la Wednesday, April 04 @ 13:56:45 CEST de catre asymetria
    Memoria Zevedei Barbu : Un om de stiinta român uitat? In anii de dinainte de 1963, data la care mi-am luat "examenul de stat" în literatura ºi limba româna la Universitatea din Cluj, accesul la biblioteci era îngreunat de existenþa fondurilor speciale ºi documentare de cãrti interzise sau dificil accesibile, în pofida faptului cã unii dintre profesorii noºtri, cum de pilda dragul nostru Mircea Zaciu, ne încurajau sã citim cãrþi care nu fãceau parte din bibliografia obligatorie. Revistele erau si mai dificil de obtinut, de aceea, interesat cum eram de literatura ardeleana dintre cele doua razboaie, singura cale era scotocirea unor biblioteci speciale de genul celei de la Institutul de lingvistica, unde supravegherea nu era excesiva si unde bibliotecari de omenie lasau accesul liber la cataloagele generale, sau a unor biblioteci private ale caror proprietari avusesera curajul sau bunul simt de a nu le epura singuri.
    Astfel am putut parcurge colectia completa a seriilor vechi a Familiei, a celor cîteva numere ale Revistei Cercului Literar de la Sibiu, a Abecedarului de la Brad sau a Paginilor literare de la Turda. In acesta ultima revistã, pe care am consultat-o întiî în casa poetului Teodor Mureºan din Turda, marele ei animator ºi finantator, mai apoi în podul plin de porumbei al casei parohiale a preotului Melian din Corabia si apoi a succesorului sãu Liviu Marica, la Bonþ, lînga Gherla, într-o splendidã ºi seninã iarnã, în ianuarie sau februarie 1963, am întîlnit numele, pentru mine necunoscute pîna atunci, ale unor scriitori, poeþi, prozatori sau eseiºti ca Yvonne Rosignon, George Boldea, Victor Beneº, Zevedei Barbu. Textele acestuia m-au frapat, din motive pe care nu mi le amintesc acum, si vreme de treizeci de ani am vorbit despre el ca despre un scriitor dispãrut care ar trebui redescoperit, fãrã sã reusesc sa aflu aproape nimic despre destinul sau. In 1975 am dat peste o trimitere bibliografica postbelicã (1953) la revista ORBIS. Titlul textului mi se pãrea incitant ºi am încercat sã obtin o fotocopie adresându-mã celor câþiva privilegiaþi care mai ieºeau în strãinatate. Nici unul nu mi-a satisfãcut dorinþa, aºa încît de abea în 1999, graþie acestei invenþii extraordinare care este Internet ºi gratie e-mailurilor pe care le-am putut trimite, am intrat în fine în posesia mult-rîvnitului text redactat în engleza. Din el am aflat cã Zevedei Barbu ( n. 1919) era în 1953 profesor la Universitatea din Glasgow. Graþie bibliografului ºi scriitorului Nicolae Trifon, am putut consulta o imensa bazã de date, în care numele lui Zevedei Barbu figureazã cu mai multe titluri de cãrti editate în englezã dar ºi, unele, traduse în francezã. Iatã aceste titluri :
    Barbu, Zevedei. D»veloppement de la pens»e dialectique, 1947
    Barbu, Zevedei, [from old catalog] Problems of historical psychology, 1960
    Barbu, Zevedei, Problems of historical psychology, 1976
    Barbu, Zevedei, Society, culture and personality: an introduction to social (f.a.)

    Imi fac datoria de a semnala celor eventual interesati, cercetatori, editori, existenta unor contributii "românesti" sau engleze (cum vreti!) într-un domeniu în care nu am avut prea multi autori originari din Români pe mapamond. "Limbajul în democraþii ºi în societãtile totalitare", textul pe care vi-l prezint în versiune franceza a fiicei mele mai mari, Ioana Larisa Culcer, a împlinit 47 de ani. Este totuºi pertinent ºi exact. Ba chiar ºi incitant. Ce se poate cere mai mult unui astfel de studiu? Vom realiza versiunea româna pentru revista Vatra, în cadrul rubricii noastre Seismograme, fiind deci în cautarea unor elemente suplimentare pentru redactarea unei fiºe biobibliografice. Orice semn este binevenit. ªi desigur, un contact direct cu autorul, care se pare ca era unul dintre rarii intelectualii români de stînga din Ardeal, ar fi cit se poate de imbogatitor acum. La data scrierii acestei note nu ºtiam unde trãia Zevedei Barbu. Am aflat ulterior, adicã prin 2001, cã a murit în Brasilia, terorizat de comuniºtii din universitatea brazilianã unde lucrase, cã are urmaºi spirituali care îl citeazã în lucrarile lor, dar nu ºtiu dacã a avut familie ºi nici ce s-a ales din arhiva sa.
    Dan Culcer



    Zevedei Barbu
    Le langage dans les démocraties et les sociétés totalitaires
    Une interprétation psychologique
    Introduction
    Les changements qui interviennent dans la structure d’une société sont reflétés dans son langage. Cette remarque semble d’ailleurs être le résultat d’une observation très commune. Thucydide, analysant les divers aspects de l’instabilité sociale caractéristique d’Athènes, notait que, durant ces périodes, " Le sens des mots n’a plus la même relation aux choses, mais a été changé par eux (les révolutionnaires) d’une manière qu’ils pensaient être plus appropriés."1
    Les périodes d’instabilité sociale sont une mine d’or pour les études sémantiques. Nous sommes habitués à lire des textes portant sur les modifications de sens des mots comme " démos " ou " kalos ", causées par la transition de la société athénienne d’une organisation aristocratique à un système démocratique. Nous sommes peut-être moins accoutumés à lire que, dans la même société, des mots comme " stasis " ou " homonoia ", dont la signification d’origine se limitait à " conflit " et " concorde sociale "ont élargi considérablement leur champ d’application, — le second devenant en fait un concept clé de la civilisation grecque — pendant et à cause de l’ascension puis de la domination des classes moyennes dans les différentes cités démocratiques de la Grèce antique.2
    N’étant pas spécialiste, je dois, dans l’examen d’une série de problèmes linguistiques, m’en tenir aux objectifs qui sont à l’origine de cette étude. J’aimerai utiliser une série de phénomènes linguistiques comme moyens de compréhension de certains aspects de la structure de ces deux types de société, démocratique et totalitaire. Plus précisément, la question à laquelle cette étude tente de répondre est de savoir si certains caractères linguistiques importants des sociétés démocratiques ou totalitaires ne peuvent nous apprendre quelque chose des forces qui sont à l’œuvre au sein de ces sociétés.

    Démocratie
    La structure d’une société démocratique est flexible et permet un haut degré de liberté à l’individu comme aux entités collectives qui s’y trouvent.
    Pour une caractérisation générale du langage d’une société en cours de démocratisation c’est-à-dire lorsqu’un ordre social rigide est mis à mal, on peut facilement prendre les observations faites par Thucydide relatives aux périodes d’agitation sociale.
    " Le sens des mots n’a plus la même relation aux choses. " La structure du langage lui-même devient plus flexible, en ce sens que, en interprétant Thucydide au moyen de la terminologie sausurienne, le lien entre " signe " et " signifié " devient dans beaucoup de cas incertain. On donne aux mots anciens des sens nouveaux et l’on invente de nouveaux mots pour désigner des choses anciennes.
    Si nous considérons la Révolution française comme un processus de démocratisation et non comme un simple phénomène démocratique en soi, nous pouvons dégager les attributs qui suivent 3:

    1. Le changement de sens d’un groupe de mots par leur déplacement d’un champ réel à un autre. Une série de mots et expressions religieuses tels que " évangile ", " credo ", " martyrologe ", " Bonne Nouvelle de Liberté " ont été transférés d’un contexte religieux vers un contexte politique.

    2. La tendance, qui n’est apparue qu’au début de la Révolution, de rompre avec un modèle de langage en y introduisant des mots et des expressions provenant de divers " patois ". Cette tendance a été contrebalancée par une politique de la langue orientée vers une standardisation que je considère bien sûr comme un des courants autoritaires de la Révolutions.

    3. Un important aspect de la connexion incertaine entre les mots et les choses est montré aussi dans l’inflation du vocabulaire révolutionnaire où sont présents des facteurs émotionnels. Ce potentiel émotionnel des mots tels que " nation ", " patrie ", etc. était à ce point chargé que leur sens avait tendance à déborder toute connotation empirique et logique. On pouvait les considérer comme l'expression d'une pensée magique plutôt que logique. Ils signifiaient tout et rien en même temps. Brunot les qualifiait de " mots illusion ".


    Mais comme on l’a déjà précisé, la Révolution française bien que son aboutissement final ait été démocratique, ne peut être vue comme un processus univoque de démocratisation. Du point de vue socio-psychologique, les réflexions de Tocqueville sur le développement de la langue anglaise en Amérique sont d’une importance exceptionnelle. 4
    Dans l’esprit de Tocqueville est toujours présente l’idée selon laquelle la société américaine du milieu du XIXe siècle constitue un prototype de la démocratie moderne. Comparé au langage d’une classe aristocratique dans laquelle " peu de mots sont inventés parce que peu de choses se font ", le langage d’une société démocratique (américaine) a une tendance permanente au changement.
    " Au milieu de cette agitation générale et de ce concours de tous les esprits, il se forme un grand nombre d’idées nouvelles; des idées anciennes se perdent ou reparaissent; ou bien elles se subdivisent en petites nuances infinies ". C’est ainsi que nous apercevons depuis les temps les plus anciens, le reflet dans le langage de la flexibilité de structure dans les sociétés démocrates. La direction particulière que prend le développement de ces deux catégories de langue est très révélatrice. La langue anglaise aux Etats-Unis a élaboré son vocabulaire à partir du jargon des partis, des arts mécaniques ou de la langue des affaires. Si des mots nouveaux sont incorporés dans un langage aristocratique, ils sont généralement empruntés aux langues latines, grecques ou hébraïques. Après la chute de Constantinople, la langue française a été littéralement envahie par des mots nouveaux, tous ayant des racines latines ou grecques. Et l’on constate que le seul Milton, a introduit dans la langue anglaise plus de six cents mots, presque tous tirés de ces mêmes langues. Il est donc évident que faute d’une structure rigide, la connexion du langage aristocratique avec la vie en société s’interrompt. Parlé ainsi, cette langue ne peut être proche de la réalité.
    La stratification rigide de la société aristocratique se reflète dans son langage par une nette distinction entre le langage savant et une grande diversité de dialectes. Tocqueville observe l’absence de " patois " à New York ainsi que sa progressive disparition dans tous les pays touchés par la démocratie, car les mots provenant de " patois " sont engloutis par le langage commun.
    Ceci reflète aussi une influence sur les rangs sociaux et une fluidité qui découle, dans la structure d’une société, du principe d’égalité. Le résultat d’une telle fluidité n’est pas toujours favorable à la structure du langage. En fait, c’est précisément à cause de cela que la langue d’une communauté démocratique est, selon Tocqueville, encline à l’ambiguïté dans l’usage des mots.
    C’est une pratique commune dans les sociétés démocratiques de réinventer le langage en donnant un sens imprévu à une expression déjà utilisée. Cette habitude introduit une certaine ambiguïté dans le sens de nombreux mots et permet à de nombreuses personnes d’adapter ou de modifier ces mots en fonction de leurs propres intentions. Le résultat obtenu est que le sens de tels mots reste incertain. Et d’après Tocqueville, ce phénomène affecte la qualité de l’écriture dans les sociétés démocratiques car à partir de là, les écrivains ont crée une tendance à s’étendre sur de groupes d’idées qui laissent au lecteur la vive impression que l’ambiguïté vient de sa propre pensée.
    Connecté de près à ce phénomène on retrouve une passion pour des idées générales te des termes génériques, considérés par Tocqueville comme la principale caractéristique d’un langage démocratique.
    " Les peuples démocratiques aiment passionnément les termes génériques et les mots abstraits parce que ces expressions agrandissent la pensée et permettant de renfermer en peu d’espace beaucoup d’objets, aident le travail de l’intelligence ". Les exemples donnés par Tocqueville sont " capacités " pour les hommes capables et sans spécifier le domaine auquel cette capacité s’applique ; " actualités " pour peindre d’un seul coup les choses qui se passent sous ses yeux et éventualités dans le même sens abstrait.
    En dernier lieu il prend comme autre exemple l’usage qu’il fait du mot " égalité " pris au sens absolu. Le penchant du langage dans les sociétés démocratiques " élargit et voile " la pensée en même temps. " Mais, en fait de langage ", conclut Tocqueville, " les peuples démocratiques aiment mieux l’obscurité que le travail ".
    La tendance à l’ambiguïté et à l’obscurité est à mon sens le principal caractère linguistique des sociétés démocratique. Elle reflète au niveau de la langue un modèle de fluidité et un empressement à se reconstruire. Le fait que le langage préserve en soi un haut degré de flexibilité, facilite deux importants processus de démocratisation : l’individualisation et le développement d’un facteur proche de la réalité dans chaque individu et dans chaque groupe.
    Ceci sera traité plus amplement dans notre dernier paragraphe. Pour l’instant, j’aimerai souligner que de l’aptitude d’individualiser le sens, dépend en grande partie la réussite d’un individu dans une société démocratique. Par ailleurs, cela représente un rempart contre les " clichés " et les " stéréotypes " du langage, qui sont la preuve de la disparition de l’individu et la présence d’une société totalitaire.

    Les Sociétés Totalitaires
    La vie dans les sociétés totalitaires tend à se cristalliser dans des formes rigides. Le comportement de l’individu est enfermé dans des " clichés " et les groupes se développent dans un ordre préétabli. Le Communisme et le Fascisme représentent deux types modernes de sociétés totalitaires. Étant donné le manque de temps, je me dois de considérer le communisme russe comme une société typiquement totalitaire. Mais tout d’abord, voyons quel est l’aspect linguistique du caractère rigide dans cette forme de société ?
    L’effondrement de l’ancien régime et l’instabilité sociale provoquée par la Révolution de 1917 ont offert à la langue russe une large possibilité de changement. En tenant compte du vocabulaire, ces possibilités peuvent être groupées de la manière suivante :
    I. Une série de néologismes pouvaient provenir de divers dialectes et du langage utilisé par les classes prolétaires. Un tel processus a été signalé, puis aussitôt interrompu dès les premiers jours de la Révolution.
    II. Des nouveaux mots pouvaient tirer leur origine des langues de l’Ouest. Les vieux révolutionnaires avaient en effet l’habitude de ce type de néologisme, cependant, ce procédé n’a eu aucun impact important sur la langue.
    III. Compte tenu du fait que l’ambition principale de la Révolution était l’industrialisation du pays, on pouvait s’attendre à une invasion de mots techniques ou scientifiques issus d’autres langues ou sinon, inventés à la manière caractéristique de la Révolution française, c’est-à-dire en composant des mots dont l’origine était latine ou grecque. 5
    Bien que le nombre de ce genre de mots doive être considérable, ils n’ont jamais eu un rôle particulier dans le langage post-révolutionnaire. C’est en effet un autre phénomène, différent de celui que nous avons abordé qui a attiré l’attention des linguistes et qui consiste dans la prolifération dans la langue des mots composés provenant de différents types d’abréviation.

    Des mots comme NEP, formé des initiales de trois mots différents, ou KOLHOZ, formé des premières syllabes de deux mots, sont parmi les abréviations les plus courantes. Au regard de leur nombre6 et particulièrement de leur circulation, on peut dire qu’ils représentent un facteur des plus caractéristiques de la langue russe post-révolutionnaire.
    Nous constatons donc que les transformations sur la structure de la langue par une révolution " populaire et progressiste " n’ont pas été effectuées par des dérivés de dialectes, ni par des mots scientifiques mais par un groupe d’expressions artificielles et télégraphiques. (Le terme télégraphique revient à A. Baecklund). 7
    Les abréviations dans les langues modernes sont souvent rattachées au processus d’industrialisation. Mais peut-être que l’industrialisation sert aussi à restreindre un concept. D’ailleurs il convient mieux de dire que l’abréviation suit de prés un phénomène de bureaucratisation et de rationalisation de la vie moderne. Je préfère le concept de rationalisation car il implique quelques chemins vers la pensée dans l’homme contemporain. Des multiples types d’abréviations sont fréquents dans la plupart des langues européennes modernes, mais dans la langue russe, elles constituent un problème particulier dont les raisons principales sont les suivantes :

    1. Ces expressions sont inventées et manipulées par les organes spéciaux du Parti appelés brièvement AGITPROP, qui les dotent d’un exceptionnel pouvoir de circulation.

    2. Il y a quelque chose a dire sur la fonction spéciale et particulièrement sur une certaine partie de la réalité que ces expressions couvrent. Une grande majorité se réfère à divers aspects de la vie sociale, d’autres, plus particulièrement à des activités politiques. Si nous comparons les abréviations russes avec le groupe de mots composés introduits dans le langage par la Révolution française, nous pouvons conclure que la tendance principale était dans ce dernier cas à codifier le champs des forces naturelles alors que précédemment c’est le champs des forces sociales qui est en cause. Nous pouvons expliquer ce phénomène dans ses grandes lignes par une différence du niveau historique entre ces deux grandes révolutions. La première révolution est arrivée lorsque la pensée de l’homme européen allait vers la rationalisation de la Nature, avec seulement une vague aspiration de la rationalisation du champ social, tandis que la seconde révolution a éclaté dans une période où la tendance allait vers la rationalisation de la vie sociale. Cependant, je vois dans ce phénomène plus qu’un simple problème de niveau historique. Je trouve dans la société soviétique un profond besoin de supra rationaliser, ainsi qu’un désir morbide de créer des formes artificielles de vie, au nom de la Nature.

    3. Une autre caractéristique de ces abréviations tient dans le fait qu’elles sont contre l’esprit de la langue russe, qui, je le précise, n’est pas répertoriée parmi les langues " grammaticales " de Saussure. C’est pourquoi elles ont eu depuis le début une position forcée et artificielle. Compte tenu de l’usage qui leur était attribué par le Parti, elles sont vite devenues des unités linguistiques indépendantes, se comportant grammaticalement comme des simples mots. Ainsi les abréviations ont été coupées de leurs composantes, qui en étaient l’élément moteur. Par conséquent, le sens de ce genre de mots est devenu un problème difficile et dans les années l’on pouvait noter des réactions contre les abréviations dans la langue russe.

    4. Pourtant ces réactions n’ont pas empêché le maintient d’un grand nombre d’entre elles ni d’ailleurs l’apparition de nouvelles abréviations. Cela est du peut-être à la fonction particulière d’un langage dans une société prônée par les philologues soviétiques et le Parti il n’y a pas si longtemps encore. Le traitement du langage appartient à une super-structure étatique, construite selon l’école de Marr et à ce titre sa fonction principale est de refléter les étapes de l’infrastructure. Celle-ci est en fait la position occupée par la langue russe dans la société soviétique et non pas celle décrite par Staline en des termes si tièdes. Il faudrait ajouter que ce langage reflète de plusieurs manières les divers aspects de la société soviétique, telle qu’elle a été imaginée et crée par le Parti. La tendance linguistique d’une utilisation des abréviations reflète un de ces aspects.

    5. Les abréviations dans la langue de la Révolution Communiste semblent révéler une chose qui concerne leur origine. Le cheminement vers un langage télégraphique provient du système de communication utilisé dans l’armée moderne. Le travail des linguistes ne laisse aucune place au doute sur ce point.8 Le Parti a emprunté ce système à l’Armée russe (Rouge ?) et l’a imposé dans toute la langue. L’interrogation sur la motivation de création d’une telle langue semble avoir une réponse simple. Un tel langage reflète le caractère militaire à la base du bolchevisme ; c’est en fait une des expressions des tendances cachées du pouvoir contre une superorganisation par des groupes capables de créer des meilleures conditions à l’exercice du pouvoir. L’analyse de ce phénomène nous amène vers notre dernier chapitre.

    Quelques conclusions psychosociologiques
    Tout d’abord, quel est le sens de ce caractère ambivalent et flexible qui fait partie de la structure sémantique de la langue dans une société démocratique ?
    J’ai dit avant que ce caractère peut-être considéré comme le symptôme linguistique d’une fluidité présente dans les structures sociales. Mais il peut être étendu à la structure d’un individu, typique, de n’importe quelle société démocratique. Si je devais employer un jargon psychologique, je dirais que la plupart des études faites sur la personnalité indiquent que le trait le plus remarquable d’un individu démocratique réside dans un Ego très puissant.
    L’Ego est la structure la plus flexible de notre personnalité, dont la fonction principale est d’agir comme intermédiaire entre des pulsions instinctives aveugles et des modes de comportement institutionnalisés par l’environnement social. Par conséquent son rôle est de trouver des compromis entre deux formes de vies, relativement rigides, l’une représentée par la structure de l’instinct, l’autre par des institutions sociales, au sens large. Ici intervient le processus d’individualisation mentionné dans un chapitre précédent.
    L’Ego rend flexible d’une part la structure des instincts pour leur trouver une satisfaction socialement acceptable et d’autre part, les formes sociales pour les ajuster à l’individu.
    En considérant la structure du langage, l’on constate que l’action d’un très fort Ego se révèle dans la capacité des individus à adapter leur propre expérience au langage et aux sens des mots, c’est-à-dire à individualiser le langage. Cela ne peut être fait qu’à condition que la structure même de la langue soit flexible. Une façon de vivre démocratique — qui au niveau psychologique signifie une personne avec une forte structure égocentrique — rend le langage flexible comme nous l’avons montré dans un paragraphe précédent.
    J’aimerai maintenant toucher à un point concernant la préférence d’une société démocratique entre le vague ou les idées générales et les termes génériques. Car c’est aussi un système qui caractérise les structures des individus et des groupes. Prenons l’exemple donné par Tocqueville en référence à sa propre utilisation du mot " égalité " pris dans un sens abstrait. Ma propre opinion sur les caractères fondamentaux d’une structure démocratique, qu’elle soit individuelle ou sociale, consiste dans la capacité de guider son activité empirique selon une série de dénouements qui, existant dans l’individu, agissent comme des forces transcendantales. L’égalité est un de ces dénouements.
    Dans une vraie démocratie, il existe toujours un dialogue entre la dimension empirique et transcendantale de la vie. Aussi souvent qu’un concept comme l’égalité, tiré de son monde abstrait, est considéré comme un immanent (empirique) dénouement de la vie, la démocratie est en danger.
    Supposons que nous disons spécifiquement " égalité économique " et que nous prenons les mesures nécessaires pour sa réalisation. Cette action va aboutir à un puissant et permanent exercice de force pour l’introduction et le maintient de l’égalité économique. Le caractère démocratique de la société sera ainsi perdu.
    La société soviétique est en fait un exemple de la concrétisation du sens empirique de ce concept d’égalité. En ce qui concerne les sociétés totalitaires, j’ai mentionné auparavant que le grand nombre d’expressions abrégées dans le langage de la Russie contemporaine est le résultat d’un besoin très fort de rationalisation qui caractérise la société soviétique.
    La direction principale va vers la rationalisation de la vie sociale.
    Toutes ces abréviations qui donnent l’impression d’un code secret ou de symboles mathématiques accélèrent la tendance qui existe dans tous les mouvements communistes modernes à réduire le champ de la vie sociale à un nombre défini de facteurs et relations.
    Des termes comme Sovdep, Komsomol, Agitprop, NKVD, Fabzavmestkom, etc. symbolisent quelques-uns uns de ces facteurs. Ce qui pour la plupart des gens est le terrain de la spontanéité et de la confusion est pour un communiste un champ de forces patiemment codé et hautement contrôlé. Ce travail de codification constitue la première marche de l’attitude expérimentale des communistes envers l’histoire humaine. Ils travaillent avec leur formule comme un chimiste travaille avec la sienne.
    En considérant le besoin d’une superorganisation, caractéristique de l’homme soviétique en général et du communisme en particulier, la psychologie offre différentes réponses.
    Je suis enclin à penser que sous de multiples rapports c’est une façon de compenser les tendances anarchiques et agressives soulignées dans diverses variantes partout dans l’histoire moderne du peuple russe.
    C’est aussi une compensation du besoin de sécurité profondément ancré chez les travailleurs modernes. D’où une relation proche entre la société communiste et un type d’organisation militaire.9 Les tendances anarchiques font accepter à l’individu une organisation autoritaire telle une arme dirigée envers soi-même. D’un autre coté, cette organisation sert à son inclinaison fondamentale pour l’agression. Le besoin de sécurité se dirige dans la même direction ; il détermine l’individu à s’adapter ou à créer une " organisation de pensée " qui lui donnera ainsi une propre responsabilité civile. On arrive à résumer ceci en disant que dans de telles circonstances l’individu perd sa liberté mais gagne la sécurité. Le langage télégraphique, presque secret, est seulement un des signes de la base commune de ces deux organisations, militaire et totalitaire dont on trouve ci-dessous des nouveaux exemples motivés par un désir obsessionnel d’utiliser dans la société communiste des métaphores empruntées à la vie militaire. " Tactique ", " stratégie ", " front ", " quartier général ", " mobilisation " sont seulement une partie des éléments contenus dans ces métaphores. 10
    Mais la tendance d’organiser la vie sous des formes rigides comprend aussi d’autres aspects linguistiques. Celui qui ressort le plus est remarqué dans l’inclinaison de toutes les langues des sociétés communistes à construire des formules stéréotypées et des clichés.
    Les communistes semblent avoir des formules toutes prêtes pour désigner les aspects les plus importants de la vie. Des expressions comme " la lutte des classes ", " la victoire de la classe ouvrière ", et des centaines d’autres sont répétées à l’infini comme dans un rituel obligatoire comme une preuve de l’acceptation d’un ordre stricte.
    J’ai employé l’expression " rituel obligatoire " en rapport avec la répétition monotone de quelques clichés linguistiques. Le même symptôme est présent dans la tonalité habituelle des discours de l’organisation communiste, qui, sans glissements vers les aigus ou les graves, sont prononcés d’une voix parfaitement monocorde.
    Bien que ce type de voix soit considéré d’habitude comme une caractéristique des conjurations, elle est restée néanmoins la tonalité officielle des sociétés communistes. Et sans aucun doute, elle est un signe de très forte répression.
    Dans ces deux cas, conjuration ou société communiste, la répression est exercée sur le désir de liberté et sécurité de chaque individu. Des mesures permanentes de censure agissent sur son expression et l’empêchent de se montrer tel qu’il est, à moins de revêtir le masque officiel, c’est-à-dire communiquer avec des clichés et sur un ton dépourvu de personnalité. Ne pas parler fort, ni trop, ni même suivant les couleurs de ses propres sentiments est dorénavant le canon du comportement dans une société communiste.
    La tendance dans la langue envers des abréviations, clichés et les tons monocordes témoignent de l’absence complète de processus d’individualisation dans une société communiste. C’est une manifestation au niveau du langage de la perte de conscience des masses.
    Contrairement a la perte de conscience individuelle, qui crée des modes d’expérience flexibles, la perte de conscience des masses divise le monde social dans des catégories rigides. Leur logique devient une logique manichéenne : blanc ou noir, ami ou ennemi, amour ou haine.
    L’activité d’une telle perte de conscience aboutit à une schématisation de la vie dans des catégories grandes et maladroites, des archétypes, selon l’expression de Jung, qui offrent l’apparence de l’ordre mais qui en fait agissent comme des forces qui gèlent la vie sociale.

    Je suis parfaitement conscient que l’évolution d’une langue est sous de multiples rapports explicables par des termes contenus dans sa propre structure.
    Bien que, supposant des circonstances particulières, la langue vaille la peine d’être considérée dans la complexité concrète d’une vie sociale, je n’irai pas jusqu’à définir le langage comme " super structure ".
    La présente étude est une tentative pour montrer la présence d’une relation entre la langue et une série d’aspects politique ou psychologiques dans deux types de sociétés, démocratique et totalitaire.
    La conclusion générale confirme une observation commune, c’est-à-dire que le langage dans une société démocratique a un sens par lequel l’homme code et préserve en même temps le libre cours de la vie, alors que dans une société totalitaire, le même sens est utilisé à clouer la parole et à stéréotyper l’existence.

    Zevedei Barbu
    Traduit de l'anglais par Ioana Larisa Culcer

    La version originale de l'étude a été publié par la revue ORBIS, bulletin international de documentation linguistique, tome II, n° 1, 1953, édité par le Centre internationale de dialectologie génerale près l'Université catholique de Louvain
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    «Cerul deasupra-ti schimbi, nu sufletul, marea-trecand-o.» Horatiu in versiunea lui Eminescu.
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